» J’suis pas Africain, mais qu’est-ce que c’est qu’ces bêtises
Un Antillais d’souche n’existe pas, faut qu’tu piges
Même si ça te peine, accepte la vérité, y’a trop longtemps qu’on t’en prive «
(Rouge sang, Saïan Supa Crew)

La couleur rouge du drapeau RVN fait référence au sang versé par nos ancêtres. Il est évident que la Martinique est à jamais liée à l’esclavage. La déportation d’hommes noirs venus d’Afrique vers les îles et l’Amérique par les hommes blancs, prétendument supérieurs. Inutile d’évoquer les ravages psychologiques toujours actuels de ce crime contre l’humanité ; ce n’est pas l’objet de ce projet. Mais notons toutefois que certains Antillais ont encore du mal à reconnaître leurs origines africaines pourtant évidentes ; preuve flagrante d’une aliénation persistante…


C’est exactement pour ça que j’ai voulu représenter l’Afrique avec cette tenue rouge. Ce continent regorge de richesses, tellement loin du chaos permanent que nous vend la presse. En vérité, il suffit juste de regarder au bon endroit. Je vous encourage d’ailleurs à suivre les médias dits alternatifs, pour découvrir l’Afrique et l’histoire du peuple noir autrement. Pour en apprendre sur l’histoire en général, je vous conseille les incontournables Grandeur Noire et Histoires crépues. Pour un côté plus culturel, j’ai plaisir à suivre Abenafrica, Scheena Donia ou plus récemment May.

J’ai été grandement inspirée par le peuple Wodaabe que l’on retrouve principalement au Nigéria, au Niger, au Cameroun ou encore au Tchad. C’est un peuple nomade, très attaché à son héritage ancestral (l’élevage) et c’est ce qui m’a plu. Pas de maison, pas de biens précieux, leurs troupeaux constituent leur unique richesse. Cette simplicité, tellement à l’opposé de notre vie occidentale, est un symbole fort pour moi. Une façon de nous rappeler qu’il est important de se focaliser sur l’essentiel dans la vie.



Les Wodaabe sont également très attachés à leur culture, notamment avec la fête du Geerewol. Marquant la fin de la saison des pluies, cette cérémonie qui dure 6 jours et 6 nuits, est l’occasion pour tous les clans de se rassembler. Parés de leurs plus beaux atours, les jeunes hommes, à coup de danses et de chants, vont tenter de séduire celle qui deviendra leur femme.





Je n’ai pas voulu faire une pâle copie des costumes et des coutumes des Wodaabe. Mais ma tenue et l’univers du shooting s’en sont fortement imprégnés.

Ainsi, j’ai choisi une tenue sobre, composée d’un short rouge et d’un bustier. J’ai utilisé le patron du short M.Gyver de Fiat Lux Patrons comme base ; j’ai cousu une version épurée sans poche car mon tissu était assez épais (toile d’ameublement de chez Bennytex). J’aurais d’ailleurs du faire quelques modifications pour monter la taille et gagner en confort et esthétisme mais dans le speed, j’avoue que j’ai été droit au but. Tant pis pour les kilos du confinement lol. Pour le bustier, j’ai utilisé un patron BurdaStyle. Sur ce dernier, il y a un empiècement, un patchwork de wax (maison, vive les chutes), qui rappelle les tuniques portées par les Wodaabe. J’ai rajouté sur le bas du bustier, à l’avant, une sorte d’échelle de cauris réalisée avec du fil à broder.


Je ne suis pas aussi bonne coiffeuse que couturière ; j’ai donc fait appel à une amie de longue date, Lydie, car je voulais quelque chose de très précis dans le rendu et avec mes locks, je ne savais pas trop comment gérer. Ma coiffure est donc un clin d’oeil aux coiffures des femmes Wodaabe avec les tresses le long des tempes ainsi que le gros chignon tombant sur le front.


Comme stipulé dans le premier article de la série, la majeure partie des bijoux a été réalisée par Gladys, selon mes indications. Je voulais un bijou de tête qui souligne élégamment le chignon, avec 3 cauris, le 3 étant mon chiffre préféré. Les cauris sont très présents dans les différentes pièces, tout comme ils le sont dans le quotidien des peuples africains. Il s’agit d’un objet symbolique, anciennement utilisé comme monnaie mais, on lui confère également une connotation féminine de part sa forme qui rappelle la vulve. Je porte également une chevillère à deux rangs, qui rappelle les nombreux bracelets et colliers portées par les femmes Woodabe.


La chevillère est composée de cauris, de perles de verre, de bambou de mer teinté en rouge, de séparateurs en cuir et d’une chaînette en laiton. Le bijou de tête et les bijoux de locks sont composés de cauris, de perles de verre, de disques de Bakélite, de chaînettes et d’apprêts en laiton. La bague Africa en laiton est de la marque PallaYa.


Je n’aime pas les maquillages trop élaborés d’une façon générale et puis de toutes façons, ce n’est pas ma spécialité lol. Mon maquillage reprend en tous cas quelques détails du maquillage réalisé par les Woodabe lors de la fameuse cérémonie du Geerewol.

Côté mise en scène, pour la touche de modernité, je voulais un grand panneau rouge en arrière-plan. Pour rappeler de façon subtile la vie nomade de cette tribu, quelques objets d’inspiration ethnique étaient disposés au sol, pour faire écho au quotidien des Wodaabe. J’avais choisi de faire ce shooting dans un champ de blé fraîchement coupé, en plein été, pour rappeler bien évidemment les conditions de vie des Woodabe. Inutile de vous préciser qu’en Île-de-France (Petite Couronne), ce n’est pas ce qui est le plus facile à trouver.


Pour la petite histoire, j’avais repéré le champ en question au début du mois d’août et il était absolument parfait. Entre temps, de nombreux imprévus nous ont obligé à décaler à plusieurs reprises la date du shooting ; le jour J, soit un bon mois et demi après le repérage, stupeur devant le champ fraîchement labouré ah ah. Mais au final, je trouve que ça reflète encore mieux le côté désertique des zones arpentées par le peuple Woodabe. On a d’ailleurs eu une chance folle ce jour-là puisque le soleil a été généreux et j’ai pu profiter de ses couleurs chaudes et dorées, et de cette chère golden hour pour donner plus de féerie à l’ensemble.

Voilà donc l’histoire de ma tenue rouge. Vous pouvez la voir en mouvement ICI, avec cette formidable vidéo de Nicolas. Toutes les photos (sauf les photos de croquis) sont de Laurent. J’attends toutes vos réactions en commentaire et je vous donne rendez-vous demain pour découvrir ce qui se cache derrière la couleur verte…
Franchement wahouuuuu les détails tout en sobriété, c’est magnifique et très belle découverte concernant le peuple Wodaabe.
Vivement la suite!
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Tout d’abord bravo pour les explications, les photos et le rappel de nos racines Africaines. ll est important à l’heure actuelle de savoir qui on est pour savoir où on va! Merci pour ces superbes photos et le travail que tu as abattu pour nous donner ce joli concentré d’histoire et de couture.
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Merci pour cet article détaillé et fort enrichissant!!!!!!!!
On arrive à voir également tout le processus de création de ce magnifique projet! C’est cohérent et c’est émouvant! Le rouge te va si bien! J’adore l’incrustation des différents motifs sur le bustier!
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Je suis en admiration devant ton travail. Bravo !
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J’ai trouvé ton article très intéressant, les photos sont superbes et bravo au vidéaste….. Je confirme, l’Afrique, terre de nos racines est tellement riche.Des voyages là bas qui m’ont profondément marquée, telle un pèlerin qui retourne aux sources…des plats, des traditions, des odeurs, l’oralité, les couleurs…ce rouge: le sang ….qui nous lient à tout jamais: Antilles/Afrique
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Conquise je suis (et là j’ai l’impression de frôler la groupie…timide que je suis, ça ne me ressemble pas!), mais merci pour tout cela! Je suis martiniquaise, fière de mon histoire et de mes origines, curieuse du monde. C’est un beau projet que voilà et réalisé par des artistes qui méritent d’être encore plus connus! Que ce projet dépasse les sphères de là coutures/de l’artisanat/de la vidéo…merci d’en faire une œuvre décloisonnée en espérant que vous pourrez y associer encore plein de champs et d’acteurs qui servirons à continuer de l’embellir!
signé archi groupie de Laurence (quand même!)
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L’Afrique est tellement riche ! Merci de me faire découvrir un petit bout qui donne envie de plus. J’adore cette mise en scène. Bravo Laurence et à l’équipe !
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Merci pour tout ça. C est beau de lire ta passion dans ce que tu fais. Tu as du bien t’entourer pour faire naître tout ça. A travers tes écrits, je le vis comme si j’étais présente tant tu donnes des détails. Quelle belle équipe de travail ! Bravo à tous !
Hâte de voir ce que tu nous prépare pour la couleur noire.
So proud of u my friend
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Je me posais la question du lieu. Ca rend super bien ce champ labouré au final.
Tout est parfaitement choisi.
Très belle inspiration ces femmes Wodaabe.
Et ce patchwork que tu as réalisé !
Les bijoux là 🔥. Le cauri, j’aime beaucoup. Je ne savais pas la symbolique autour de la féminité.
Quel magnifique travail fait en synergie avec des personnes talentueuses!
Mireille
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Laurence, je suis bluffée par tout ce travail, par la qualité de celui-ci, le tiens mais aussi celui de tes complices, bravo à tous !
Et merci pour toutes tes explications, vos créations n’en ont que plus de sens ❤
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